Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

Leçon de Géostratégie Africaine n°77 publiée il y a 5 ans, le 11 janvier 2015 de Jean-Paul Pougala (Ex-vendeur au détail d’huile de palme)

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Quel sens donner à la décision du Bénin hier 10 janvier 2015, de décréter une journée de deuil national pour les tueries de Paris ? Le Bénin est l’un des pays d’où sont partis pendant plusieurs siècles un très grand nombre d’esclaves vers ce qu’on a appelé le Nouveau-Monde. C’est aussi le pays où le créationnisme s’est le plus développé pour neutraliser à la base toute idée de conscientisation de la douleur et l’humiliation pendant trop de siècles par ces mêmes bourreaux qui aujourd’hui, utilisent le christianisme pour dompter le peuple béninois.

Et la réaction de son président de décréter une journée de deuil ne fait pas de lui un fou, mais la preuve d’une société prise d’assaut par un des taux les plus élevés au monde de l’abrutissement de masse par le créationnisme.

Il y a un mois, j’étais au Bénin et la première surprise arrive à l’aéroport international de Cotonou, le seul aéroport international du pays qui n’est pas intitulé à Béhanzin, héros de la résistance du pays contre la colonisation française, mais au nom d’un traitre, d’un cardinal, c’est-à-dire quelqu’un qui a passé sa vie à travailler pour les intérêts d’un pays européen tel que recensé par les Nations Unies, le Vatican.

Et ce cardinal s’appelle : Cardinal Bernardin Gantin. La surprise ne s’arrête pas là. Je quitte l’aéroport, direction l’hôtel au centre-ville et je suis obligé de passer devant la présidence de la République du Bénin pour arriver au centre ville. Et devinez comment peut s’intituler l’avenue la plus stratégique du Bénin ? elle s’appelle : Avenue Jean-Paul II, oui, il faut qu’au Bénin le président se sente le plus proche du paradis possible, avec le nom du pape devant sa demeure. Mais là ne s’arrête pas la stupidité africaine.

Eh bien, c’est à Cotonou qu’existe le seul phénomène dans le monde où deux rues vont porter un seul nom. Il s’agit quand même du pape. Eh bien, à Cotonou, pour manifester l’attachement des Béninois pour le représentant de Dieu sur terre, il y a 2 avenues qui portent le nom du même pape. Incroyable, mais vrai. J’ai même réalisé des photos. Je continue ma visite en réalisant beaucoup de photos (comme celle jointe).

Arrivé au centre ville, ici, comme à Paris, la capitale béninoise est divisée en arrondissements. Et nous arrivons au 7ème arrondissement. Je tombe sur un des plus beaux boulevards de Cotonou. Au centre, une colonne d’ordures pour diviser les deux sens de marche du boulevard. Je continue ma visite et tout au bout, un grand carrefour où se croisent deux nouveaux boulevards à peine construits et à peine baptisés :

Le boulevard Saint Michel qui croise le Boulevard du Monseigneur Steinmetz. Posons la question dans la rue à des Béninois. Qui est Saint Michel et qui est ce fameux Monseigneur ?

Saint Michel, on en a entendu parler dans les prêches de l’église et de la mosquée, il y a des écoles catholiques à son nom mais on ne sait pas trop qui il est. Pour le deuxième, c’est encore pire. Mais vous allez très vite comprendre en quoi nous sommes stupides, cherchant à comprendre en profondeur ces 2 personnages.

Qui est Saint Michel ? Dans l’Ancien Testament, c’est l’ange qui va arrêter la main d’Abraham lorsqu’il veut assassiner son fils Isaac pour faire plaisir à Dieu sanguinaire, qui au lieu de le punir pour avoir accepté de commettre un infanticide, le félicite plutôt. Créant le premier passage de ce livre religieux incitant au meurtre. Saint Michel est celui qui sera aussi l’assistant de Dieu le jour où il va réveiller les morts. Il l’aidera à dire qui sera juste réveillé pour quelques années et qui le sera pour l’éternité.

C’est encore lui qui va aider le petit David à tricher dans le match contre le colosse Goliath. En effet, il va lui insuffler une force invisible qui lui permettra de battre le géant Goliath.

Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul nous dit que c’est celui qui servira d’alarme pour annoncer quand Jésus aura quitté le Ciel pour descendre nous trouver sur la terre.

C’est aussi lui qui va terrasser le dragon et le chasser du paradis. Dans le Coran, il est l’un des 3 messagers de Dieu. Et si on ne l’écoute pas, on sera foudroyé par dieu. (S.II,98).

La question est : en quoi cette légende ennuyeuse qui ne peut fasciner que des enfants de la maternelle est-elle aussi importante pour le peuple béninois au point de porter le nom d’un boulevard ? Mystère. !

Mais le pire n’est pas là. C’est le personnage du deuxième boulevard qui nous intéresse le plus et va prouver à bien des égards le degré de stupidité et d’aliénation profonde de la masse africaine. Pour le comprendre, nous avons besoin d’un peu d’histoire.

Sans aucune invitation par le roi du Dahomey, les premiers missionnaires arrivent au Bénin le 16 avril 1861. Nous sommes 23 ans avant la Conférence de Berlin. Mais le Pape Pie IX a déjà décidé depuis Rome, de la division de ce territoire et crée un diocèse qui part du fleuve Volta au fleuve Niger. Les nouveaux missionnaires mettront 6 mois avant de frapper à la porte du roi pour lui proposer de « civiliser » son peuple le 21 novembre 1861.

L’audience est accordée par le Roi Glele le 15 janvier 1862 à Abomey, la capitale du royaume. Elle va durer 3 heures, à la sortie de laquelle les missionnaires sont déçus. Le roi a refusé toute évangélisation de son peuple. Le roi refuse en leur disant que son peuple est déjà civilisé. Et n’a donc pas besoin d’eux. Mais les missionnaires ne vont pas rentrer en Europe. Ils vont rester dans l’attente. Et de quoi ?

En 1871, ils sont tout simplement priés de quitter Ouidah où ils avaient installé leur quartier général. Il faudra attendre 1884-85 avec la conférence de Berlin, où la France s’octroie le royaume du Dahomey, pour qu’il y ait un changement du statu quo. Mais le roi s’oppose bien entendu à la colonisation de son pays.

En 1892, la France déclare la guerre au Royaume de Dahomey. Il faudra 2 ans de combat pour que le roi Béhanzin se rende en janvier 1894. Il est immédiatement exilé. Dès 1895, l’Église catholique peut finalement circuler librement et s’installer dans tout le royaume et le premier prêtre à profiter du boulevard ainsi ouvert par l’armée française conduite par le général Dodds, pour coloniser mentalement ce pays humilié et mis à genoux est un certain Steinmetz. Monseigneur Steinmetz.

Il va d’abord parcourir tout le royaume avant de décider de créer le diocèse dans la capitale Abomey en 1902. Le reste est la réalité de ce janvier 2015, où les Béninois célèbrent l’homme qui est à l’origine du viol spirituel dont ils sont victimes, jusqu’à lui offrir un boulevard.

Avec les Béninois, on n’a pas encore touché le fond. Ce pays vante un autre record mondial en matière de stupidité religieuse : avant la visite au Bénin du 18 au 20 novembre 2011, du pape Benoît XVI, c’est tout le conseil communal de la ville de Ouidah, dirigé par le maire, un certain Severin Adjovi qui va, la veille inaugurer la rue baptisée “rue Benoît XVI”. Voilà un pape qui jusqu’aujourd’hui en Italie n’a même pas une ruelle en son nom, puisqu’il est encore vivant et donc, non canonisé et donc pas encore saint. Et voilà qu’un pays africain lui a fait inaugurer la veille de son arrivée sa propre rue.

Pire, à Adjovi, le clergé lui fait comprendre que la seule rue ne suffirait pas pour garantir sa place au paradis, un si grand papa ne peut pas ne pas avoir aussi une place en son nom. Aussitôt demandé, aussitôt offert. Il va offrir 2 hectares de terrain public et tout-à-fait gratuitement au diocèse qu’il va lui-même baptiser « place Benoît XVI ».

C’est donc précisément contre ce mélange du genre entre le public laïc et le religieux dogmatique que toute la rédaction décimée de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo se battait. Comment un pays comme le Bénin, comment la quasi-totalité des pays africains qui sont presque tous devenus des pays confessionnels peuvent-ils décréter une journée de deuil en hommage des gens qui tournaient en ridicule les comportements politiques de ces acteurs religieux ?

En France, grâce aux actions des évolutionnistes comme Charlie Hebdo, ils ont réussi à contenir l’Église catholique dans sa dimension purement religieuse, voilà pourquoi on ne verra jamais un prêtre dans ce pays venir à la télévision parler des questions politiques ou économiques, puisqu’on sait qu’il n’a aucune compétence pour en parler.

Mais aussi, dans ce pays, une télévision comme TF1 ne peut pas passer en direct une messe, parce que pour le faire, elle serait obligée de passer aussi la messe des musulmans, des bouddhistes, des hindouistes, des juifs etc. parce que lorsqu’un État qui dans ses fondements est laïc fait le choix d’une religion et lui donne trop d’espace, il s’agit d’une violence faite aux autres adeptes d’autres religions, mais aussi à ceux qui ont fait le choix de ne croire en rien.

Le président béninois est certainement l’un des chefs d’État africains les plus tournés en dérision en France, comme lors de sa visite à l’Élysée, où, chose jamais vue, il se présente avec son costume aux couleurs de la France. Un comportement hautement infantile. Malheureusement nous allons retrouver des comportements pas aussi extrêmes, mais tout autant discutables de la part des dirigeants africains, chaque fois qu’ils sont confrontés à un Européen fut-il un prêtre ou un chef d’État.

On dirait que leur cerveau cesse de fonctionner tout d’un coup. À ce sujet, c’est intéressant de voir sur les photos les postures des chefs d’État africains lorsqu’ils rencontrent le pape, on dirait des petits gamins dans la cour de la maternelle, qui viennent de se faire pipi dans la culotte et attendent un mot de compréhension de l’adulte en face. Mais le Pape est un chef d’État.

C’est le président d’une Nation accréditée aux Nations Unies, avec ses ambassades dans d’autres pays comme toutes les nations. Il est donc évident qu’à partir du moment où il nomme un Africain cardinal, cet Africain ne peut pas servir en même temps 2 intérêts. C’est pour cela que jusqu’aujourd’hui en 2015, au Royaume-Uni, un politicien qui revendique son appartenance au catholicisme ne peut pas être premier ministre.

Tony Blair n’a mis pied dans une église catholique pour y accompagner son épouse que lorsqu’il n’était plus Premier Ministre Britannique. Dans ce pays, un catholique est considéré comme travaillant pour des intérêts étrangers (Vatican) et donc, ne peut pas occuper la plus haute fonction où se concentrent les secrets de l’État.

Il n’y a qu’en Afrique que le très bas niveau culturel des dirigeants les pousse vers cette situation où un maire est incapable de faire la différence entre la chose publique qu’il doit administrer et sa faiblesse spirituelle. Et c’est cette même confusion que Charlie Hebdo critiquait durement et c’est un peu ridicule de décréter une journée de deuil sans donner le moindre signe de changement pour pousser les institutions vers la laïcité.

Ce serait une erreur de croire que ce sont les Béninois qui sont les seuls fous. Nous retrouvons dans toute l’Afrique sub-saharienne exactement les mêmes comportements. Au Cameroun, il y a quelques jours, je me suis trouvé nez à nez avec une histoire tellement incroyable que je me suis demandé si c’est moi-même qui n’étais pas devenu fou. C’est le terrain de la cathédrale de Yaoundé.

Eh bien, là-bas, ils ont tout simplement décidé de violer la loi du Cameroun en matière de la distance à tenir avec la route. Ils ont tout simplement décidé de construire une barrière sur le trottoir du point le plus central de la capitale camerounaise. Et personne n’a rien vu. La communauté urbaine de Yaoundé n’a rien vu. Chacun vaque à ses occupations sans rien voir.

A Douala, toujours au Cameroun, dans le quartier Akwa, c’est l’imposante Rue Gallieni. Mais qui est Gallieni ? C’est le général français qui a maté la rébellion camerounaise avant d’aller massacrer 300 000 personnes en Madagascar.

Joseph Galliéni est un général de Brigade français. Un vrai boucher. Il va semer la terreur à Madagascar de 1896 à 1905 où sa répression contre ceux qui refusent la colonisation française va faire selon les sources entre 300 000 et 700 000 morts sur une population de l’époque de 3 millions d’habitants.

Dès son arrivée à Tananarive le 15 septembre 1896, il va faire parler de lui. A peine un mois après, le 15 octobre 1896, il va faire fusiller le prince Ratsimamanga et le premier Ministre du gouvernement de Madagacar, Rainandrianampandry pour, expliquera-t-il : “faire une forte impression sur les indigènes”.

A peine 5 mois après, le 27 février 1897, c’est la reine Ranavalona III qui est défaite par Galliéni et exilée sur l’ile de la Réunion. Lorsque les dirigeants camerounais lui offrent une rue à Douala c’est pour le remercier de quoi ? A Paris il y a une station de métro en son honneur pour le remercier du service rendu à la France et au peuple français, mais en quoi l’extermination des Malgaches a été bénéfique pour le peuple camerounais ?

Lorsqu’on voit le cas de la célébration des bourreaux par les victimes à travers le cas de Monseigneur Steinmetz au Benin et du Général Galliéni au Cameroun, on comprend mieux la citation de Malcom X qui disait : « Si vous ne faites pas attention, les Mass Media vont vous faire aimer les bourreaux et détester les victimes ».

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Leçon de Géostratégie Africaine n°77 publiée il y a 5 ans, le 11 janvier 2015

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Jean-Paul Pougala

(Ex-vendeur au détail d’huile de palme)

Douala, le 11 janvier 2015

(re-publié le 21/06/2020)

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