Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

Entretien exclusif avec le Ministre de l’Économie et des Finances Romuald Wadagni : « Il n’y a pas d’autres secrets que le travail »

Nommé Ministre de l’Economie et des Finances en 2016, les défis qui attendent Romuald Wadagni semblaient trop grands. Mais très tôt, l’homme a su combiner compétences, expériences et expertises pour donner des résultats au-delà des attentes.

Primé meilleur ministre africain des finances en 2019,

trophée obtenu des résultats importants issues des réformes et de l’assainissement des finances publiques dans son pays, les prouesses s’enchaînent. C’est d’ailleurs pour pénétrer les secrets de sa réussite que, dans un entretien exclusif accordé à L’Autre Afrique, Romuald Wadagni expose les performances économiques du Bénin sous la houlette du Président Talon.

Lisez plutôt…

L’AUTRE AFRIQUE : Le Bénin, en dépit des effets néfastes de la crise sanitaire liée à la COVID-19 qui en rajoute aux chocs exogènes telles la dévaluation du Naira et la fermeture des frontières nigérianes, est passé de la catégorie des « pays à revenu faible » à la catégorie des « pays à revenu intermédiaire ». Quels sont vos secrets monsieur le ministre ? Quels sont les conséquences pour le pays ?

Romuald Wadagni: Il n’y a pas d’autres secrets que le travail, le travail suivant le chemin tracé par un homme, Son Excellence le Président Patrice Talon qui a publié dès décembre 2016, le Programme d’Actions du Gouvernement. La mise en œuvre de cette feuille de route sur la période 2016-2021, fait l’objet d’un suivi rigoureux par l’ensemble de l’administration de manière cohérente et synchronisée. Les résultats observés à ce jour confirment simplement que le travail sérieux et organisé portent indiscutablement des fruits.

Quant au passage de la catégorie des pays à faible revenu à celle des pays à revenu intermédiaire, il induit un renforcement de la confiance des investisseurs et permettra l’accès à de nouveaux guichets de financement jusque-là inaccessibles pour le Bénin. C’est donc plus de possibilités de mobiliser des ressources pour davantage construire notre pays et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.

Ce classement vient après un rebasage des comptes nationaux. Sans cette opération, quelle aurait été la performance économique sous la Rupture en restant dans le même champ d’action que les gouvernements précédents ?

Le Programme d’Actions du Gouvernement, c’est une série de réformes et d’actions phares et prioritaires. Le rebasage est un élément de notre programme qui s’inscrit dans la rénovation du système de comptabilité nationale. Il était nécessaire pour donner un état plus pertinent de l’économie, en intégrant les activités économiques qui échappaient à la comptabilité et en procédant à une meilleure évaluation des autres.

Toutefois, en restant dans le même champ d’actions, vous avez dû constater le caractère soutenu de la croissance économique depuis quatre (04) ans. Le taux de croissance a augmenté de manière continue pour s’afficher à 6,9% en 2019 contre seulement 1,8% en 2015, malgré les multiples chocs que vous évoquiez. Pour la première fois depuis quasiment vingt ans, le Bénin a aligné des taux de croissance de plus de 5% consécutivement pendant trois (03) ans ; ce qui montre que les travaux de solidification des bases de notre économie portent des fruits, afin de la rendre moins vulnérable aux chocs exogènes. Le FMI a d’ailleurs classé le Bénin en 2019 comme la quatrième économie la plus dynamique d’Afrique. C’est la première fois que le Bénin se fait remarquer pour le dynamisme de son économie.

La conséquence positive de cette accélération du rythme de création de la richesse, c’est l’amélioration de l’indice de développement humain (IDH). Le Bénin est en effet passé de la 3ème place dans l’UEMOA, au classement IDH en 2016, à la première place de l’UEMOA en 2018. Je vous rappelle que le rebasage a été finalisé au deuxième semestre 2019.

Je pourrais continuer à vous parler des distinctions du Bénin dans l’UEMOA, dans la CEDEAO, en Afrique, et même au plan mondial, obtenues au cours des quatre dernières années. Mais, nous ne voulons pas tomber dans le piège de l’autosatisfaction parce qu’il y a encore du travail et nous n’avons pas encore porté notre pays au niveau où nous souhaitons le hisser.

Les agences de notation financière tant aux plans international que régional ont maintenu les notes du Bénin pendant que certains pays ont vu les leurs dégradées. D’aucuns parlent de bidouillage, que leur répondez-vous  ?

Écoutez, nous venons de finir un programme économique et financier avec le Fonds Monétaire International et systématiquement, suite à chacune des six (06) revues du FMI, le Bénin a eu la mention très satisfaisante, la plus haute dans l’échelle de notation de cette institution dont tout le monde connaît la rigueur.

Les notations financières ne viennent que confirmer l’amélioration de la gouvernance économique et financière enregistrée au Bénin au cours des quatre dernières années.  Le maintien de la notation du Bénin par les agences Standard & Poor’s (‘B+ Stable’) et Bloomfield (‘A- Stable’) traduit la bonne perception des performances économiques et du cadre institutionnel du Bénin, par les partenaires du Bénin – agences de notation, mais également investisseurs et institutions internationaux officiels tels que le FMI, etc. L’appréciation des agences ne se limite en effet pas à des critères quantitatifs tirés des agrégats macroéconomiques mais résulte également d’échanges très larges avec tous les acteurs de l’économie, notamment avec le secteur privé.

Les résultats de la gouvernance économique du Bénin ont-ils réellement un impact positif sur le panier de la ménagère ?

J’ai évoqué lors de vos questions précédentes, la bonne progression du Bénin au classement IDH. C’est dire que les résultats de la gouvernance économique affectent favorablement les conditions de vie de nos concitoyens.

Cette amélioration des conditions de vie passe d’abord par les effets induits de la réalisation des différents projets de construction d’infrastructures socio-économiques qui offrent un environnement plus propice au business et donc à l’emploi et la création de revenus en faveur des ménages.

Elle passe ensuite par le renforcement des mesures sociales du Gouvernement afin d’améliorer la redistribution des fruits de la croissance. C’est la raison pour laquelle la mise en œuvre des dépenses sociales prioritaires a été constamment mieux que prévue pendant le programme avec le FMI. Nous avons d’ailleurs consacré le budget 2020 aux actions sociales en prévoyant la mise à l’échelle des différentes initiatives de soutien aux couches vulnérables telles que le projet Assurance pour le Renforcement du Capital Humain (ARCH). Ce projet permet aux couches vulnérables, notamment les pauvres et extrêmes pauvres, d’avoir accès à un paquet de services dont l’assurance maladie, la formation, l’assurance retraite et les micro-crédits.

Les actions de redistribution des fruits de la croissance se renforceront dans le temps avec pour objectif que tous les Béninois profitent de la richesse que nous créons collectivement.

Récemment sur l’initiative du G20 pour l’allègement de la dette africaine face  à la crise économique due à la COVID-19, vous avez donné de la voix en indiquant une solution contraire. Expliquez-nous le bien fondé de votre position ?

Je tiens tout d’abord à remercier les pays du G20 pour leur solidarité, qui s’est manifestée par l’introduction de cette initiative de suspension du service de la dette bilatérale, annoncée le 15 avril dernier en réponse aux demandes de plusieurs pays appelant à une annulation de leurs dettes, ou à minima un moratoire.

Toutefois, nous avons attiré l’attention sur les risques possibles d’accepter une annulation de leurs dettes ou un moratoire sur le service de la dette. Nous avons notamment évoqué le risque sur la qualité de crédit. Si la dette est quasiment un passage obligé pour les pays en développement d’avoir accès aux infrastructures nécessaires à leur essor économique, compromettre l’accès à ces financements, c’est perdre définitivement nos chances de développement.

Certes, l’initiative de suspension du service de la dette proposée est bienvenue en particulier pour les pays les plus fragiles du continent mais notre option est la mobilisation urgente de nouvelles ressources et la relance des économies via des financements concessionnels. Ces ressources devraient nous permettre de mettre à niveau le système sanitaire, régler les problèmes structurels de nos économies et faire des progrès certains en matière sanitaire et économique.

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