Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

PROCESSUS DE RESTITUTION DE BIENS CULTURELS ENTRE LA FRANCE ET LE BENIN : Aurélien AGBENONCI, et Jean-Michel ABIMBOLA, en France dans le cadre de l’opérationnalisation du Programme de travail commun

Le Gouvernement du Bénin décide en Conseil des ministres d’engager, dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie de développement culturel et touristique, le processus de retour des objets royaux emportés par l’armée française lors de la conquête du royaume de Danhomè en 1892 (compte rendu du Conseil des ministres N°14/PR/SGG/CM/OJ/ORD du 27 juillet 2016).

Depuis les choses se sont accélérées. Une mission conjointe en France du Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, M. Aurélien AGBENONCI, et du Ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts du Bénin, M. Jean-Michel ABIMBOLA, dans le cadre de l’opérationnalisation du Programme de travail commun signé à Cotonou le 16 décembre 2019 a été fait du 19 au 21 février 2020. Les deux ministres ont eu des séances de travail de haut niveau avec les autorités françaises, notamment le Ministre de la Culture français, M. Franck RIESTER, et le Président par intérim du Musée du Quai Branly, M. Jérôme BASTIANELLI.

PROCESSUS DE RESTITUTION DE BIENS CULTURELS ENTRE LA FRANCE ET LE BENIN :

REPERES CHRONOLOGIQUES

27 juillet 2016

Le Gouvernement du Bénin décide en Conseil des ministres d’engager, dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie de développement culturel et touristique, le processus de retour des objets royaux emportés par l’armée française lors de la conquête du royaume de Danhomè en 1892 (compte rendu du Conseil des ministres N°14/PR/SGG/CM/OJ/ORD du 27 juillet 2016).

26 août 2016 

Instruit par le Chef de l’Etat, le Président Patrice TALON, le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, M. Aurélien AGBENONCI adresse une lettre officielle à son homologue français de l’époque, M. Jean-Marc AYRAULT, pour demander « la restitution des biens culturels issus du patrimoine culturel béninois et présents dans plusieurs collections françaises », notamment les objets royaux précieux emportés par l’armée française lors de la conquête du royaume de Danhomè en 1892.

12 décembre 2016

Réponse du Ministre Jean-Marc Ayrault opposant une fin de non-recevoir à la demande du Gouvernement béninois, au motif que les biens réclamés «ont été intégrés de longue date, parfois depuis plus d’un siècle, au domaine public mobilier de l’Etat français. Conformément à la législation en vigueur, ils sont soumis aux principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité. En conséquence, leur restitution n’est pas possible. »

12 décembre 2016 

Audience au Palais de l’Elysée entre le Chef de l’Etat, le Président Patrice TALON, et le Président de la République française, Monsieur François HOLLANDE. Les deux Chefs d’Etat abordent la question de la restitution des biens culturels du Bénin se trouvant en France.

30 mars 2017 

Rencontre entre le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, M. Aurélien AGBENONCI, et son homologue français, M. Jean-Marc AYRAULT, au Quai d’Orsay, à Paris. Poursuite des négociations bilatérales sur la base des orientations issues de l’audience entre les deux Chefs d’Etat du 12 décembre 2016.

28 novembre 2017

Discours du Président Emmanuel MACRON à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou. Le Chef de l’Etat français déclare à cette occasion :

« Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France. Il y a des explications historiques à cela mais il n’y a pas de justification valable, durable et inconditionnelle, le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités. Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. »

5 mars 2018 

Rencontre entre le Président Patrice TALON et le Président Emmanuel MACRON à l’Elysée. Au cours de la conférence de presse conjointe qui s’est ensuivie, le Chef de l’Etat français annonce :

  • la mise en place d’une mission de réflexion confiée à Mme Bénédicte SAVOY, historienne de l’art française, et M. FelwineSARR, économiste et écrivain sénégalais, en vue de l’élaboration d’un rapport sur le cadre et les modalités de restitution du patrimoine culturel africain détenu en France ;

  • l’envoi au Bénin du Président du Musée du Quai Branly, M. Stéphane MARTIN, pour explorer avec les autorités béninoisesles possibilités d’une coopération muséale et patrimoniale axée sur la circulation des œuvres culturelles entre le Bénin et la France.

9 mars 2018

Signature à Paris entre le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, M. Aurélien AGBENONCI, et le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères français, M. Jean-Baptiste LEMOYNE, d’un nouveau Cadre général de coopération (CGP) entre le Bénin et la France pour la période 2018-2021. Ce document de référence accorde une place prépondérante à la coopération muséale et patrimoniale entre les deux pays.

8 au 10 avril 2018

Mission au Bénin de M. Stéphane MARTIN, Président du Musée du Quai Branly-Jacques CHIRAC, conformément à l’annonce du Chef de l’Etat français du 5 mars 2018.

1er juin 2018

Participation du Président de la République du Bénin, M. Patrice TALON, en qualité d’Invité d’honneur à la Conférence internationale organisée par l’UNESCO, à son siège à Paris, sur le thème « Circulation des biens culturels et patrimoine en partage : quelles nouvelles perspectives ? ». Dans son discours inaugural de cette conférence, le Chef de l’Etat déclare :

« Au-delà des considérations d’ordre politique, historique, sociologique ou philosophique, la restitution, le partage et la circulation des biens culturels sont désormais pour le Bénin, un moyen de lutte contre la pauvreté, un facteur de création d’emplois et de richesses, un outil de développement socioéconomique … le Bénin compte, avec la restitution de ses biens culturels, réhabiliter et offrir au monde, l’épopée de ses rois et de ses amazones, les vestiges du plus grand port ouest-africain de l’histoire de l’esclavage ainsi que la richesse des arts et cultures de son patrimoine Vaudou.».

12 septembre 2018

Mise en place par le Gouvernement béninoisdu Comité sur la coopération muséale et patrimoniale entre le Bénin et la France, placé sous la présidence du Prof. Nouréini TIDJANI-SERPOS, ancien sous-directeur général pour l’Afrique de l’UNESCO.

23 novembre 2018

Remise au Président français, M. Emmanuel MACRON, du Rapport Savoy-Sarr sur la restitution du patrimoine africain. Dans un communiqué officiel publié à la suite de la réception de ce rapport, l’Elyséeannonce la décision du Président français de « restituer sans tarder 26 œuvres réclamées par les autorités du Bénin, prises de guerre du général Dodds dans le palais de Béhanzin, après les sanglants combats de 1892 ».

8 au 10 avril 2019 

Séjour au Bénin d’une mission technique française, comprenant des experts des ministères français de la Culture et des Affaires étrangères et du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Objectif : préparer le retour au Bénin des 26 œuvres dont la restitution a été annoncée par le Président Emmanuel MACRON.

4 juillet 2019 

Tenue à l’Institut de France à Paris du Forum international sur le thème « Patrimoines africains : réussir ensemble notre nouvelle coopération culturelle ». Une délégation béninoise, conduite par le Directeur général de l’Agence Nationale de promotion des Patrimoines et de développement du Tourisme (ANPT), M. José PLIYA, a pris part à ce forum conjointement organisé par les ministères français de la Culture et des Affaires étrangères.

17 et 18 juillet 2019 

Réunion à Cotonou des ministres de la Culture des pays membres de la CEDEAO, sanctionnée par l’adoption d’un Plan d’action régional pour la restitution de biens culturels.

12 novembre 2019 

Participation du Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, M. Aurélien AGBENONCI, au panel sur le thème : « L’art mal acquis : améliorer le processus de restitution des œuvres culturelles africaines », dans le cadre de la deuxième édition du Forum de Paris sur la Paix tenue du 11 au 13 novembre 2019.

15 et 16 décembre 2019 

Visite de travail au Bénin de M. Franck RIESTER, Ministre de la Culture français. Cette visite a été marquée notamment par la signature, le 16 décembre 2019, d’un Programme de travail commun entre le Gouvernement du Bénin et le Gouvernement français sur la coopération muséale et patrimoniale entre les deux pays.

17 janvier 2020

Remise d’un don d’objets d’art et de culte (28 récades et sceptres royaux) au Petit musée de la Récade à Lobozounkpa, par le Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés, à l’initiative du galériste français Robert Valois. Collectés par des administrateurs coloniaux français lors de l’expédition contre le Dahomey à la fin du XIXe siècle, ces objets avaient été mis en vente aux enchères à Nantes le 23 mars 2019, avant d’être retirés de la vente à la suite de l’intervention de l’Ambassade du Bénin à Paris auprès du ministère de la Culture français.

19 au 21 février 2020

Mission conjointe en France du Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Bénin, M. Aurélien AGBENONCI, et du Ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts du Bénin, M. Jean-Michel ABIMBOLA, dans le cadre de l’opérationnalisation du Programme de travail commun signé à Cotonou le 16 décembre 2019. Les deux ministres ont eu des séances de travail de haut niveau avec les autorités françaises, notamment le Ministre de la Culture français, M. Franck RIESTER, et le Président par intérim du Musée du Quai Branly, M. Jérôme BASTIANELLI.

L’ex-patron du Quai Branly dénonce un rapport prônant des restitutions massives d’œuvres à l’Afrique

Pour Stéphane Martin, le rapport des universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr est un « cri de haine contre le concept même de musée ».

Le Monde avec AFP Publié le 20 février 2020

L’ancien président du Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Stéphane Martin, a regretté mercredi 19 février que le rapport Savoy-Sarr sur les restitutions à l’Afrique soit un « cri de haine contre le concept même de musée », alors que les musées français devraient soutenir les musées africains.

Interrogé par la commission de la culture du Sénat, M. Martin, durant vingt et un ans à la tête de ce musée abritant la plus grande collection française d’arts premiers, a estimé qu’il vaut mieux parler de « circulation » des œuvres et de « partage », « passant par des prêts, des dépôts et un certain nombre de transferts de propriétés », plutôt que de restitutions massives que semblait prôner ce rapport remis fin 2018 au président Macron.

« Aucun musée n’a été construit avec de l’argent français depuis les indépendances », contrairement à la Chine qui a financé le musée de Dakar, a-t-il regretté. « On a investi très peu. Il faut aider à la rénovation d’un certain nombre de musées. Il faut bâtir une politique musées-musées ». Il est aussi « urgent de redonner leur dignité aux conservateurs africains », discriminés par rapport aux universitaires. « Un conservateur a peu de débouchés. Il faut insister diplomatiquement pour que ces personnes soient traitées comme elles doivent l’être », avec des « salaires décents ».

Dans leur rapport demandé par le président de la République, les universitaires Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l’université de Saint-Louis au Sénégal, avaient posé les jalons pour une restitution à l’Afrique subsaharienne d’œuvres d’art transférées pendant la colonisation. Ils avaient recensé des dizaines de milliers d’œuvres potentiellement concernées.

Vingt-six œuvres restituées au Bénin

M. Martin s’est étonné que ce rapport ait été confié à deux universitaires, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, « deux personnes qui ne sont pas des gens de musées ». « Ce rapport est un cri de haine contre le concept même de musée, considéré comme une invention occidentale, comme un lieu quasi criminel dans lequel les objets sont plumés, déshabillés, où on leur retire leur magie », a-t-il dénoncé.

Le Musée du quai Branly a accepté de restituer au Bénin vingt-six œuvres qui avaient été volées lors d’une opération militaire française à la fin du XIXe siècle. Depuis le rapport Savoy-Sarr, plusieurs autres demandes ont été émises par des gouvernements africains pour se voir restituer diverses œuvres se trouvant dans les musées français.

Lire aussi « Restituer le patrimoine africain nécessite de concilier un objectif moral et une évolution respectueuse de la loi »

M. Martin a cité l’exemple de la statue du dieu Gou au Louvre : « Les Béninois envisagent de nous la demander ». Or cette statue avait été réalisée par un sculpteur d’un pays voisin du royaume d’Abomey fait prisonnier, abandonnée sur une plage, ramenée par un navigateur français. Elle a passé « 150 ans au Louvre » et est devenue une « icône », dessinée et décrite par Picasso et Apollinaire.

Pour lui, la période de la colonisation envisagée par le rapport, entre 1898 et 1962, ne peut être « comparable » à la période de Vichy en matière de restitutions de biens. « Il y a quelque chose d’assez pervers à prétendre que l’universalité [des œuvres d’art] n’est pas une bonne chose. L’idée est répandue (…) à droite comme à gauche, que le monde serait meilleur si l’objet retournait à sa place dans l’église » ou dans un autre lieu d’origine où il a été pris, a-t-il remarqué.

Le Journal de NOTRE EPOQUE