Avec plus de 70 radios, une soixantaine de titres de presse et une quinzaine de chaînes de télévision, le Bénin dispose d’un paysage médiatique parmi les plus pluralistes de la région, et les journalistes béninois bénéficient d’une liberté d’expression certaine. Mais depuis l’accession au pouvoir en 2016 du président Patrice Talon, les activités de l’opposition sont très peu couvertes par la télévision d’État, et les médias sont sous étroite surveillance. Des « notes de cadrage » définissant des angles de traitement relevant très largement de la communication pro-gouvernementale sont envoyées aux rédactions après certains conseils des ministres. En 2018, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a suspendu pour une durée indéterminée un célèbre journal proche de l’opposition. Sikka TV, qui appartient à Sébastien Ajavon, principal adversaire politique du président Patrice Talon, est toujours privée d’antenne, malgré une décision de justice de mai 2017 demandant sa réouverture. En 2019, la radio Soleil FM, qui appartient aussi à M. Ajavon, a été contrainte à la fermeture et à se séparer de ses journalistes après que la HAAC a refusé de lui renouveler sa licence. Plusieurs journalistes et blogueurs ont été poursuivis depuis l’adoption, en avril 2018, d’une loi portant code du numérique, dont certaines dispositions répressives entravent la liberté de la presse en criminalisant les délits de presse en ligne. En vertu de cette loi, un journaliste a été condamné à 18 mois de prison ferme pour avoir rapporté, sur les réseaux sociaux, des propos du procureur de la République. C’est la première fois en Afrique de l’Ouest qu’un journaliste se retrouve en prison pour avoir relayé sur les réseaux sociaux des propos qui ont pourtant bien été tenus.
La lettre de REPORTERS SANS FRONTIÈRES
Chèr(e)s ami(e)s,
Nous venons de dévoiler notre Classement mondial de la liberté de la presse 2020. Ce classement, qui évalue tous les ans la situation du journalisme dans 180 pays et territoires, démontre que la liberté de la presse sera durement affectée ces dix prochaines années en raison de cinq crises majeures: crise géopolitique (agressivité des modèles autoritaires), technologique (absence de régulations appropriées), démocratique ( « dénigrement de la presse et haine des journalistes encouragée par des chefs d’État démocratiquement élus » ), de confiance (suspicion en hausse envers les médias d’information) et économique (appauvrissement du journalisme de qualité).
À ces cinq types de crises s’ajoute désormais une crise sanitaire. La pandémie du coronavirus sert en effet de prétexte à de nombreux gouvernements autoritaires pour mettre en œuvre la fameuse “doctrine du choc” : profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l’affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal. C’est le cas de la Chine (177e) et de l’Iran (173e, – 3 places), foyers de l’épidémie, qui ont mis en place des dispositifs de censure massifs. Mais c’est le cas aussi en Europe, en Hongrie (89e, – 2 places), où le Premier ministre Viktor Orbán a fait voter une loi dite “coronavirus”.
Nous entrons dans une décennie décisive pour le journalisme. Le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable est de plus en plus menacé. Pour que cette décennie ne soit funeste pas pour la liberté de la presse, pour que les journalistes puissent continuer d’exercer cette fonction essentielle de tiers de confiance dans nos sociétés, notre mobilisation est plus que jamais indispensable.
Vous pouvez dès à présent faire un don à RSF et relayer le plus possible notre Classement 2020 qui nous permet de faire pression sur les autorités, chefs d’Etats et gouvernements pour qu’ils améliorent la situation de la liberté de la presse dans leurs pays.
Votre soutien nous est précieux.
Merci !
REPORTERS SANS FRONTIÈRES
Pauline Adès-Mével
Rédactrice en chef
RSF
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