Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

USA  : COMMENT BIDEN S’EST PATIEMMENT CONSTRUIT EN ANTI-TRUMP

Le candidat démocrate à la Maison Blanche Joe Biden avant un discours lors d’un meeting en “drive-in” à Coconut Creek, en Floride, le 29 octobre 2020

Dès la campagne de la primaire démocrate, l’ancien vice-président de Barack Obama s’est affirmé comme étant le seul candidat apte à vaincre un président aussi clivant que Donald Trump.

Pour Joe Biden, la victoire de 2020 est aussi un rattrapage. Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016, l’ancien vice-président de Barack Obama a toujours considéré qu’il aurait réussi là où Hillary Clinton a échoué. Par ses racines populaires, son positionnement modéré et son image de parlementaire rodé à la négociation partisane, Joe Biden estime qu’il aurait été le candidat idoine pour affronter le milliardaire populiste. Il lui a fallu attendre quatre ans pour le démontrer.

Après s’être retiré de la vie politique sans disputer à Hillary Clinton la nomination par le Parti démocrate en 2016, l’ex-sénateur du Delaware est revenu dans l’arène pour la primaire suivante malgré son âge avancé. Et en se forgeant une image claire: celle de l’anti-Trump, quitte à paraître trop lisse aux yeux de ses concurrents, dont certains étaient persuadés qu’il fallait être tout aussi clivant que ne l’a été Donald Trump au cours de sa présidence.

Besoin d’apaisement

Joe Biden n’est pas un perdreau de l’année. Déjà candidat aux primaires démocrates de 1988 et 2008, il a toujours cultivé son centrisme et son goût du compromis politique. La mort de son fils Beau en 2015 était à la fois la raison derrière son envie de se porter candidat l’année suivante et celle qui explique pourquoi il a décidé de passer son tour.

Dès 2017 toutefois, alors que démarrait à peine le mandat de Donald Trump, l’entourage de Joe Biden a commencé à nourrir la rumeur de son retour. Avec cette idée phare qu’il serait le seul démocrate à pouvoir battre Donald Trump, contrairement à d’autres candidats progressistes plus marqués idéologiquement, tels Bernie Sanders ou Elizabeth Warren.

Tout au long de la campagne des primaires, l’équipe Biden a martelé ce message, certains des concurrents de l’ancien vice-président n’hésitant pas à lui renvoyer ses positions trop timorées, voire trop compatibles avec l’agenda républicain. Pour Bernie Sanders et Elizabeth Warren, il n’y avait pas de doute: face à Donald Trump, il fallait un adversaire musclé, qui promette de renverser la table. Aux yeux de Joe Biden, au contraire, les Américains attendaient quelqu’un capable avant tout d’apaiser un pays singulièrement bousculé par le locataire de la Maison Blanche.

Pas trop à gauche

Certains sondages appuyaient ce raisonnement. Le 4 novembre 2019, soit un an jour pour jour avant l’élection présidentielle de 2020, une enquête conduite pour le New York Times confirmait l’intuition du candidat modéré, le plaçant devant Donald Trump dans plus d’États-clés que Bernie Sanders ou Elizabeth Warren – notamment la Pennsylvanie, le Wisconsin et l’Arizona, où Joe Biden a fini par arriver en tête.

Alors que les débats démocrates se multipliaient, l’ex-parlementaire (élu pour la première fois au Sénat en 1972) a gardé ce cap. Il s’est même parfois nourri de l’actualité internationale, comme lorsque le conservateur Boris Johnson a balayé son adversaire travailliste Jeremy Corbyn, lors des élections générales de décembre 2019 au Royaume-Uni. Pour Joe Biden, c’était là l’illustration que face à un candidat de droite de tendance populiste, il ne fallait surtout pas fixer le curseur trop à gauche.

Reconquérir l’électorat populaire

Or pour l’aile gauche du Parti démocrate, c’était précisément cet horizon-là qui paraissait être le seul viable après le cuisant échec de Hillary Clinton. Également modérée idéologiquement, perçue comme étant l’incarnation d’une l’élite politique américaine déconnectée du sort des classes populaires, l’ancienne secrétaire d’État de Barack Obama est devenue un épouvantail pour toute une partie de l’appareil démocrate. Il lui fallait impérativement reconquérir les États désindustrialisés de la “Rust Belt”, longtemps bleus avant de finir dans l’escarcelle de Donald Trump il y a 4 ans. L’un des atouts de Joe Biden était d’ailleurs d’être originaire de Pennsylvanie, dans un comté populaire.

Plus largement, son intuition s’est avérée payante. Après son investiture par les démocrates, Joe Biden a fait campagne de façon beaucoup plus modeste que Donald Trump, adepte des meetings pleins à craquer où il peut haranguer les foules. De ce point de vue, la pandémie de Covid-19 lui a permis de ne pas dévier de cette échelle plus minimaliste, la distanciation sociale l’obligeant à organiser des rassemblements moins garnis, à privilégier les discours fait à distance. Ce qui a permis à Donald Trump de lui donner le surnom de “Sleepy Joe”, étiquette qui n’a finalement pas adhéré.

Jules Pecnard

Journaliste BFMTV

Le Journal de NOTRE EPOQUE