Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

Les entreprises face à la crise sanitaire : Le sénateur JCI Marcelio TEVOEDJRE pour la digitalisation des processus d’affaires

Le choc économique et social inédit engendré par la crise sanitaire actuelle affecte plus que jamais les entreprises de façon spécifique et l’économie mondiale de façon générale. Les mesures qu’impose la riposte (confinement par endroit, établissement de cordon sanitaire, distanciation sociale, baisse de la consommation de certains produits/services…etc) révèlent pour beaucoup d’entreprises au Sud du Sahara la faiblesse ou l’insuffisance de leurs systèmes de management des risques externes (risques écologique et sanitaire en l’espèce). Comment survivre est la plus grande préoccupation de presque toutes les entreprises et pour certaines, c’est carrément comment renaître de ses cendres qui préoccupe. Minimiser les impacts du choc si c’est encore possible est au cœur de toutes les stratégies d’entreprises aujourd’hui. Partageant cette préoccupation de l’heure, le bureau du sénat de la JCI Bénin a choisi de convoquer les siens autour de la réflexion sur le thème « Comment les entreprises peuvent-elles optimiser leur réaction face à la pandémie ? »dans le cadre du cinquième numéro de sa causerie hebdomadaire « E-CAFE SENATORIAL ». Pour cet entretien dont la modération a été assurée par le sénateur JCI Laurent HOUNGNIBO, secrétaire Général du sénat de la JCI Bénin, le bureau du sénat a fait appel à un des siens.

Sur le plan JCI, Marcelio TEVOEDJRE est sénateur JCI no 50492, Il a été Vice-Président National Développement Individuel de la JCI Bénin en 1990, Vice-Président National Projets et thème principal de la JCI Bénin en 1991, Président National de la JCI Bénin en 1992, Président de l’Association des Jeunes Chambres Afrique et Moyen Orient en 1993, Président de l’Association des jeunes Chambres francophones en 1994 et membres d’autres organisations citoyennes.

Sur le plan professionnel, Il fut ancien Directeur de AG PARTNERS DAKAR, ancien Directeur du développement personnel et professionnel de l’Institut Africain du Management de Dakar, ancien Directeur du Marketing et Mentor de la vie Associative du Groupe Supdeco Dakar. Depuis 2010, il est fondateur/dirigeant du cabinet Facteur X, conseil en développement personnel et organisationnel. Consultant-Formateur, Coach International Senior certifié ICF.

Chers sénateurs en votre nom et comme l’exige notre jeune tradition sur E-café Sénatorial, je voudrais demander à notre invité, le sénateur Marcelio TEVOEDJRE s’il a quelque chose à rajouter à cette présentation en ce qui concerne ses occupations professionnelles et ses centres d’intérêt.

En vous saluant, je formule avant tout le vœu que tous les vôtres soient dans des conditions optimales de sécurité sanitaire. J’exprime également mes remerciements au bureau du Sénat JCI Bénin, dirigé par le Sénateur Colette Sylvie AZANDJEME. J’aurai enfin une distinction particulière à l’endroit du Sénateur Laurent HOUNGNIBO, au vu de la qualité de son engagement, de son orientation performance et de son altruisme constructif.

J’ai fondé, en 2010, le cabinet Facteur X, conseil en Développement Personnel &Organisationnel. Grâce à la plaquette institutionnelle du cabinet, vous pourrez aisément vous rendre compte que le Credo de Facteur X est adapté du Credo JCI.Ce n’est pas du simple plagiat consécutif à un manque d’inspiration ; il s’agit plutôt d’une volonté délibérée de faire preuve de congruence – de cohérence – au niveau de mon savoir-être.

En effet, j’ai été introduit à l’étude du « changement » et du rapport que nous entretenons avec lui grâce à 4 mots, issus de la Déclaration de mission JCI et qui se sont définitivement gravés dans ma mémoire vive : « …contribuer au changement positif ».

Cet effort de « lien » entre mes vies JCI, associative, personnelle et professionnelle contribue, je pense bien, à transmuter l’être « unique » que j’étais en un être de plus en plus « uni ». C’est ainsi que s’est formé ce que j’appellerai mon « Credo personnel » :

L’Univers est une Évolution
Notre Univers est dynamique, car il est en expansion. Je n’en veux que pour preuve la distanciation – toujours active ! – des continents sur la planète Terre, des soleils dans la Voie Lactée, des galaxies dans l’immensité du Cosmos.

L’Évolution va vers l’Esprit
Du Néant à l’Immatériel, de l’Immatériel à la Matière minérale, de la Matière minérale à la Matière animée, de la Matière animée enfin à la Matière réfléchie, il semble bien qu’une « Main Invisible » guide l’Évolution, en procédant parfois par ajustements mineurs, parfois par disruptions majeures. Et la direction devient évidente : la perfection physique semble avoir été atteinte avec le corps humain, et désormais l’Évolution est psychologique. La finalité de la Matière animée serait-elle de retourner à l’Immatériel ?…

L’Esprit se déploie en du Personnel
Nous naissons tous avec un ego, qui nous amène à mettre en avant notre « unicité ». Aussi, toute notre vie peut se résumer en un apprentissage de la liberté. C’est ainsi qu’un développement psychique normal nous conduit de la dépendance du bébé à la contre-dépendance de l’enfant et de l’adolescent, de celle-ci à l’indépendance de l’adulte.

Le Personnel se pérennise en de l’Organisationnel
En réalité, un mûrissement psychique abouti doit nous faire franchir une étape supplémentaire : le passage de l’indépendance à l’interdépendance. C’est ainsi que par sa confrontation avec l’altérité – « l’Autre »- l’être unique devient enfin un être uni.

Le principe actif de l’Évolution est donc le rapport dialectique entre Développement Personnel et Développement Organisationnel ; entre l’Unité Divergente de la Personne et la Diversité Convergente de l’Organisation ; entre la Contingence et la Permanence ; entre la Liberté individuelle et la Performance collective ; en somme, entre le Libre-arbitre et le Bien Commun.

La question qui m’anime et que je souhaite partager avec vous est donc la suivante : « Comment contribuer au changement positif, alors même que la Personne Humaine adore le progrès mais déteste le changement ? ». Car notons que par principe et définition, le progrès est fait de changement…

1 – D’une manière générale, quelles sont les faiblesses en matière de gestion des risques sanitaires ou écologiques révélées par la crise actuelle ?

C’est l’occasion d’adresser nos félicitations et nos encouragements aux gouvernements africains en général – Sénégal / Rwanda / Mauritanie / Bénin – pour les mesures énergiques et coordonnées prises en vue de contenir la pandémie. Je ferai une mention spéciale à Madagascar, qui est visiblement passé de la réactivité à la proactivité !

Néanmoins, on peut interroger la pertinence, l’efficacité et l’efficience de combattre un Ennemi Global avec des Armes Nationales. C’est un peu comme si chacun s’enfermait dans sa chambre à coucheret feignait de ne pas voir que le reste de la maison brûle…

Plusieurs problématiques sont ainsi mises en évidence : l’incertitude voire l’indécision de la gouvernance planétaire et la nécessité d’un Nouvel Ordre Politique Global ; le débat sociétal « Santé vs Économie »et la nécessité d’un Nouvel Ordre Economique Global ; le débat interne au monde des entreprises et autres organisations quant à la remise en cause de la Planification Stratégique (les stratégies délibérées) au profit du Management et de la Modélisation Stratégiques (les stratégies émergentes), etc.

Revenons sur le concept du « changement » en nous intéressant au « Paradigme du Rêveur »formulé par Paul Watzlawick& Don BATESON de l’Ecole de Palo Alto).En proie à un cauchemar, le rêveur a la possibilité de faireplusieurs choses en rêve : courir, se cacher, se battre, hurler, sauter d’une falaise, etc. ; mais aucun de ces changementsne mettra fin au cauchemar. La seule façon de sortir du cauchemar est d’opérer un changement systémique en passant du système « sommeil » au système « éveil ». En ce qui concerne COVID-19, le degré de turbulence qu’implique le mot « pandémie » indique que seul un changement systémique pourra répondre à l’ensemble des problématiques évoquées ci-dessus.

Prenons par ailleurs le terme « ressource ». Dans son acception la plus simple, on pourrait dire qu’il s’agit de quelque chose (ou quelqu’un !) dont on se sert pour se sortir d’une situation donnée. Mais que faire quand ladite situation semble neutraliser toutes nos ressources ? S’interroger sur leur bien-fondé ! Seule une contre-attaque disruptive pourra lutter contre la disruption systémique opérée par COVID-19 : nous devons changer de paradigme.

Il nous faut donc innover en matière de modèle. Les « tenants » du Marché Global voudraient nous faire croire que notre seule option en la matière serait l’innovation technologique axée sur les NTIC. Il s’agit là en réalité d’une volonté de perpétuer le modèle de l’économie verticale, qui conduit à la R&D soumise à la rentabilité financière, aux dérives liberticides(Julian ASSANGE et Edward SNOWDEN) et au « travail incommensurable »tel que mis en évidence par Cheikh Hamidou KANE.

Cette dictature de la conception financière du terme « valeur » provoque de nombreuses réactions de l’Écosystème : les communautés babouins + chiens + chats en Arabie Saoudite, les pythons, coyloups et ratons laveurs urbanisés en Amérique du Nord ; l’apparition de l’hybride alligator/crocodile en Amérique Centrale ; les chimpanzés militarisés de Ngogoet la découverte du Bili Ape en Afrique équatoriale ; les nouvelles espèces d’algues carnivores sous-marines, et bien sûr la pire : le COVID 19.

On voit donc que la compétition pour le partage des ressources de la planète n’implique pas que le Genre Humain. C’est le moment de se rappeler qu’il y a trois types de relations inter-espèces : la prédation, le parasitisme et la coopération symbiotique. On peut opérationnaliser une autre approche du terme « valeur » en complétant l’Innovation Technologique axée sur les NTIC à l’Innovation Écologique axée sur la bio-industrie et le recours aux énergies renouvelables.

Cette transition du modèle de l’Économie verticale à l’Économie circulairea plus de chances d’être réalisable dans des pays à faible taux d’industrialisation lourde, disposant d’abondantes ressources naturelles végétales et d’une main d’œuvre peu chère dont les activités s’exercent dans le primaire.Toutefois, il manque trois pièces importantes au dispositif : une R&D dynamique, un corps d’entrepreneurs audacieux et bien sûr un encadrement institutionnel agile.Je préfère réserver la suite de mon développement à un Livre Blanc sur la question.

2 – Les entreprises africaines sont-elles préparées à faire face aux conséquences de la crise sanitaire qui affecte actuellement le monde et l’Afrique selon vous ? Autrement dit : disposent-elles des plans de gestion de risques sanitaires ou écologiques ?

Nous en revenons encore et toujours à la problématique du « changement ». Certes, cela fait un bon moment que le Management s’intéresse aux relations Entreprise / Environnement. Toutefois, quelque chose a profondément « changé » depuis la globalisation et la dématérialisation de l’économie : la notion d’environnement statique a complètement disparu. Notons donc que le macro environnement de la plus petite TPE est désormais l’Ecosphère, et que pour certaines entreprises telles que Tesla, c’est même le Système Solaire…

Le management de la « turbulence » met donc les entrepreneurs face aux exigences nouvelles de l’« Agilité ». Pour les fondateurs et dirigeants d’entreprise, il s’agit donc de muter de la Planification Stratégique à la Modélisation Stratégique. Pour ce faire, le Business Model Canvas (BMC) d’Alexandre OSTERWALDER est l’outil le plus puissant. Dans sa version initiale, le BMC comportait 9 cases et s’appuyait sur les 3 dimensions de la désirabilité (ou comment l’entreprise crée de la valeur), de la faisabilité (ou comment l’entreprise délivre la valeur) et de la rentabilité (ou comment l’entreprise capture une partie de la valeur). Grâce à la version actualisée du BMC qui lui rajoute les deux cases « Coûts environnementaux et sociaux » et « Bénéfices environnementaux et sociaux », l’entreprise peut ajouter une 4ème dimension à son modèle d’affaires : celle de la durabilité (ou comment l’entreprise pérennise sa capture de valeur).

Les entrepreneurs peuvent donc modéliser les problématiques environnementales et sociales et les intégrer à leur stratégie d’entreprise. Il va de soi qu’un accompagnement en termes de coaching au management durable et responsable s’impose. C’est ainsi qu’apparait le rôle de l’Etat dans la mise en place des conditions environnementales d’encadrement avant (soutien à la R&D, promotion de l’incubation, parcours de formation entrepreneuriale), pendant (soutien à la résilience économique) et après (accompagnement à la relance).

3 – Quels sont les atouts dont disposent les entreprises africaines dans les situations actuelles ?

Tel que nous en sommes déjà convenu, il y a deux approches au terme « valeur ». En réalité, la question doit être posée de la façon suivante : compte tenu de notre capacité stratégique, quelle proposition de valeur – quelle offre qu’il ne pourra pas refuser – pouvons-nous faire au Marché Global ?

Reformulons, pour ne plus y revenir, une portion du Credo JCI : à la place de « la Personne Humaine est la plus précieuse des ressources », disons plutôt « l’Ecosphère est la plus précieuse des ressources », puisque le sort de la Personne Humaine dépend du sort de l’Ecosphère…

Je réaffirme que le Bénin peut s’extirper de son positionnement – plus subi que souhaité – de zone de transit (entrant ou sortant) pour un voisin puissant, plus compétitif du point de vue énergétique et productif dans une économie verticale basée sur les hydrocarbures et axée (essentiellement) sur la rentabilité financière.

Le Bénin peut devenir le laboratoire, le centre d’excellence de la bio-industrie en Afrique de l’Ouest, et offrir ainsi au Marché Global une alternative : les NBIE (Nouvelles Bio-industries par l’Innovation Ecologique) qui, mises en synergie avec les NTIC et l’expansionnisme sidéral,pourraient faire basculer le modèle planétaire dans une économie non plus circulaire, mais en spirale !

Tout est donc lié à la capacité stratégique de chaque entreprise à réinventer son paradigme (sa combinaison des ressources) en un modèle d’affaires orienté sur la satisfaction des besoins primaires des populations grâce aux ressources naturelles et aux énergies renouvelables.

Pour passer du concept au projet, j’exhorte mes sœurs et frères Sénateurs à collaborer avec moi sur la conception-rédaction d’un Livre Blanc. Nous sommes des acteurs et non des spectateurs du changement positif !

4 – Quelles sont les stratégies possibles pour traverser cette crise sans assez de dégâts ? Quels conseils pouvez-vous donner aux entreprises africaines pour mieux gérer cette période de crise ?

Aborder cette question du point de vue de l’entrepreneur, c’est s’inscrire à la fois dans une perspective temporelle (court, moyen et long terme) et organisationnelle (mise en œuvre organisée des ressources). Nous parlons donc bien d’une articulation dans le temps des grandes fonctions de l’entreprise.

Procédons par élimination. En soi, les fonctions Finances/Comptabilité, RH/Administration et Direction Générale peuvent contourner les obstacles du confinement dès l’instant où l’on digitalise ses processus d’affaires. Restent les fonctions Production/Exploitation et Marketing/Commercial.

À court terme, il n’y pas le choix : le Droit du travail, les dispositions d’urgence du gouvernement et des impératifs QSSE doivent être respecté.

À moyen terme, il s’agit de passer du Marketing transactionnel 4P à un Marketing relationnel 10P. Ce qui implique, là encore, la digitalisation des processus (vitrine réseaux sociaux, paiement monétique, etc.). D’un point de vue politique Prix, il faudrait privilégier le volume sur la marge pour tenir compte de l’après-COVID 19 (demande pulvérisée, offre exacerbée).

À long terme, nous ne reviendrons plus sur l’impérieuse nécessité se remettre son BMC durable sur la table et d’en sortir une stratégie fondée sur l’Innovation Ecologique. La liberté des individus et de l’entreprise assure mieux la justice économique et sociale.

5 – Nous avons vu beaucoup de gouvernements annoncer des programmes de soutien aux entreprises. Pensez-vous que ces programmes peuvent permettre véritablement de sauver nos entreprises ?

Une étude comparative du déploiement de ce type de mesures en Allemagne, en Corée du Sud, aux USA et en France (pour ne citer que ces pays) permet d’affirmer qu’un environnement de démocratie participative et inclusive est une précondition de succès.

À défaut, on retombe dans les pièges inhérents à l’Economie verticale… Cette question mérite également approfondissement à l’occasion de la publication d’un Livre Blanc.

6 – Pour les entreprises déjà agonisantes, de quels moyens juridiques disposent-elles pour gérer leurs obligations vis-à vis des tiers ?

Le seul outil qui me vient à l’esprit est l’invocation de la Force Majeure. Mais j’avoue que je ne suis pas un expert de la question et que d’autres pourront certainement donner des réponses plus indiquées.

7 – Ta conclusion ?

Les rôles du Sénat et des Sénateurs JCI Bénin sont plus que jamais interpellés par les circonstances. Que nous ayons choisi d’exercer notre enseignement JCI dans le commandement et le leadership transactionnel ou dans l’influence et le leadership transformationnel, n’oublions surtout pas que nous sommes avant tout des agents de « changement positif ».

A cet effet, révisons notre rapport intime au « changement : pour que le fer puisse sortir étincelant du feu, il faut bien que le bois y brûle et se réduise en cendres ! Gardons donc un esprit souple et ouvert.

Le bureau du sénat par la voix de sa présidente, le sénateur JCI Colette Sylvie AZANDJEME a remercié le sénateur Marcelio TEVOEDJRE pour avoir accepté depuis DAKAR où il vit partager ses idées sur le thème et tous les sénateurs qui ont participé activement à ce cinquième numéro de E-causerie.

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