Le Journal de NOTRE EPOQUE

Journal béninois d’investigation, d’analyses et de publicité – Récépissé N° 953/MISPCL/DC/DAI/SCC du 27 mars 2007

DJOGBENOU évoque la situation du Bénin et tire les leçons

Invité au Panthéon à Paris par le Conseil National des Barreaux Français dans le cadre du 40ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort, le Président de la Cour constitutionnelle s’est entretenu avec plusieurs personnalités du monde judiciaire. Le Professeur Joseph DJOGBENOU a évoqué la situation du Bénin en ce qui concerne la peine de mort. Voici le résumé de son intervention dans la capitale française :
« En ce qui concerne le Bénin, il y a quand même de cela 34 ans qu’aucune condamnation à la peine de mort n’a été exécutée ». Il a précisé que c’est un processus assez singulier qui est parti de cette approche de refus, d’abstention de l’exécution des sentences prononcées vers une abolition explicite, formelle, par une révision constitutionnelle intervenue le 07 novembre 2019 ».
Il a indiqué que ce courant abolitionniste parti de 1987 est d’abord politique et que c’est l’élite qui est davantage abolitionniste, l’élite politique qui a pris corps. Et qu’il a fallu attendre l’année 2012 pour que le Bénin ratifie le protocole facultatif au pacte international relatif aux droits civiques et politiques qui lui donne un instrument, alors que la constitution béninoise n’avait pas encore été révisée, alors que le code pénal en vigueur au Bénin était le code Napoléonienne, il a fallu l’adhésion du Bénin au deuxième protocole facultatif au pacte international relatif aux droits civiques et politiques pour que ce courant abolitionniste se renforce par l’intervention de la Cour constitutionnelle du Bénin.
Le Professeur DJOGBENOU a indiqué que c’est en 2012, que cette Cour a décidé que tous les instruments juridiques internes qui font référence à la peine de mort étaient contraires au pacte international relatif aux droits civiques et politiques et surtout à son deuxième protocole facultatif qui, a constitué à partir de ce moment, une norme de référence de la Cour constitutionnelle du Bénin. Et en 2016, lorsque le Bénin a adopté le nouveau code de procédure pénale et qu’il y a eu dans le texte une référence à l’exécution capitale, la Cour constitutionnelle est intervenue pour décider qu’à partir de ce deuxième protocole facultatif, qu’il y a eu perte de fondement juridique et légale et que c’est contraire aux valeurs les plus élevées que la constitution a consacré. A partir de ce moment, il était impossible de ne pas réviser la loi fondamentale. Ce qui est intervenue en 2019 par l’abolition formelle par la constitution de la peine de mort au Bénin.

Ne pas dormir sur nos lauriers
« C’est un saisissement qui doit être continu et partagé, parce que le monde est encore plus difficile qu’aujourd’hui qu’hier, parce que les violences sont encore plus fortes qu’aujourd’hui qu’hier, parce que les inégalités sont encore plus accentuées aujourd’hui plus qu’hier et parce que la question de l’admission ou de l’abolition de la peine de mort est plus que d’actualité aujourd’hui plus qu’hier ».
Le Professeur DJOGBENOU a indiqué que 40 ans après l’abolition de la peine de mort, nous ne devons pas dormir sur nos lauriers. « Il y a encore dans le monde des sans pitiés et encore plus de partisans de la peine de mort que d’abolitionnistes, même si politiquement, le combat en faveur de l’abolition universelle est en train de gagner du terrain ».

Le Prof DJOGBENOU a tiré quelques leçons de cette situation.
La première est que contrairement au modèle français, le processus abolitionniste va conquérir davantage l’espace, lorsqu’il y a une alliance entre les juges et les avocats. Le Professeur DJOGBENOU a estimé qu’il faut d’abord encourager ce qu’il appellerait une abolition jurisprudentielle, sur le fondement des instruments internationaux de protection des droits humains, notamment le pacte international relatif aux droits civiques et politiques et surtout de son deuxième protocole facultatif. Cela conduit à la deuxième leçon qu’il tire.
La deuxième leçon à tirer est de considérer, selon le Professeur DJOGBENOU, que ce pacte international pour la protection des droits civiques et politiques et surtout le deuxième protocole facultatif ont un effet direct dans les législations internes. Ce qui n’est pas partagé par tout le monde. Le Professeur DJOGBENOU pose alors la question de savoir s’il faut d’abord consacrer par une procédure particulière, l’effectivité des instruments internationaux en droit interne ? Le Bénin par exemple a considéré que le pacte international relatif aux droits civiques et politiques et le deuxième protocole facultatif ont un effet direct.
La troisième leçon à tirer est de faire en sorte d’encourager, partout où cela est nécessaire, la révision des constitutions.
Le Professeur DJOGBENOU affirme et considère que l’abolition de la peine de mort doit avoir un socle constitutionnel pour dépasser le temps, pour dépasser les tentations des hommes et des femmes politiques ou non, parce que nous sommes encore en présence de fortes tentations, parce que le monde est un monde davantage violent. Et donc il faut de l’audace.
A la question de savoir quelle a été la considération de l’opinion béninoise. Le Professeur DJOGBENOU considère qu’il ne faut pas attendre les peuples. Il ne faut pas compter sur la conquête majoritaire des opinions nationales. L’opinion nationale sera rarement ou difficilement favorable à sa majorité à l’abolition de la peine de mort. Il faut compter sur l’opinion des élites. Le Professeur DJOGBENOU considère que si l’on fait un référendum sur la peine de mort au Bénin, il craint que la décision ne soit pas totalement favorable à l’abolition de la peine de mort, parce que, la plupart des citoyens du monde considère que la peine de mort règle des problèmes existentiels liés à la violence. Il faut donc de l’audace des hommes et des femmes politiques.
Le Professeur DJOGBENOU a précisé pour finir qu’il a eu la chance d’être à la manœuvre, c’est pour cela qu’il se sent beaucoup plus avocat. Et il conclut que c’est lorsque les avocats sont à des positions de décision, parce qu’ils sont par leurs formations, par leurs expériences, beaucoup plus saisis des questionnements relatifs à l’application de la peine de mort qu’ils contribuent à la décision allant dans le sens de l’abolition de la peine de mort.


AP/PCC