CE JOUR LÀ, IL A FALLUT PLUS QUE DES MOTS POUR LIBÉRER EMMANUEL TIANDO…
Nous sommes en 2004 et le campus d’Abomey-Calavi était en ébullition.
Le Ministère de l’Enseignement Supérieur avec à sa tête le Ministre Kemoko BAGNAN, venait de procéder à l’augmentation des frais d’inscription à l’université de 6200 f cfa à 15600 f cfa.
Pour nous responsables du mouvement estudiantin, cela était inadmissible, il fallait protester.
En 2004, j’étais le vice-président du Bureau Exécutif Fédéral (BEF), chargé de coordonner un certain nombre d’institutions spécialisées de la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin (FNEB).
À ce titre je ne pouvais pas quitter le campus sans faire respecter le mot d’ordre de « campus mort ».
La tension était vive à un point où le mot d’ordre avait été largement suivi de pratiquement toutes les facultés et écoles de l’université d’Abomey-Calavi.
Nous avions pris des dispositions de manière pratique non seulement sur les campus d’Abomey-Calavi mais également sur les campus de Cotonou, de Porto-novo sans oublier l’IUT de Lokossa.
Nous avions réussi à faire entendre le bruit de vol des mouches sur tous les campus.
Tout était vide, même les forces de sécurité alertées par les autorités rectorales pour nous empêcher de faire respecter notre mot d’ordre par les camarades, étaient restées sur le portail de l’université.
Nos patrouilles civiles faisaient la ronde sur le campus d’Abomey-Calavi afin de constater que tout était sous contrôle.
Tout était vide, que ce soit du côté des oeuvres universitaires ou du campus académique, en passant par les administrations des décanats et du rectorat de l’université, tout était vide.
Alors que notre patrouille civile, avec moi-même à la tête, traversait les alentours du rectorat, un camarade étudiant cria d’une voix assourdissante : » il y a quelqu’un au rectorat, il y a quelqu’un dans un bureau du rectorat « .
Avant même que je ne me retourne, la devanture du bâtiment principal du rectorat était noire de monde.
Des camarades, les uns plus agités que les autres vocifèrent, prenons-le, prenons-le.
Avant même que je ne me prononce, certains camarades étaient déjà dans les locaux du rectorat et avaient pu mettre la main sur la personne en question.
Jusqu’à ce moment, on ne savait pas véritablement qui cette personne pouvait être.
Alors les camarades l’ont pris et sont revenus avec lui. La foule scandait des mots très hostiles. Les camarades voulaient s’en prendre à la personne physiquement.
À ma grande surprise, cette personne était le Secrétaire Général du Rectorat en la personne du Professeur Emmanuel TIANDO.
Une fois l’identité de la personne connue, cela n’a pas du tout facilité les choses. Les camarades proposaient des choses horribles, à un moment donné, tous les regards s’étaient tournés vers moi.
Tenu par les deux gaillards, il fallait que je décide de ce que nous ferons de lui.
Jamais je n’avais été confronté à un si grand dilemme. C’est vrai que j’étais l’ami « bien-aimé » des camarades parce que j’étais en réalité comme eux. Je vivais leur réalité. Je mangeais ce qu’ils mangeaient. Je m’habillais comme la plupart d’entre eux (t-shirt, paires de baskets…).
Bref, j’étais pratiquement le seul responsable à ce niveau de d’engagement présent sur les lieux…
J’avoue que j’étais perdu, les solutions proposées par les camarades étudiants en colère, ne rencontraient pas véritablement mes convictions.
C’est en ce moment, qu’un ami conseiller au niveau du mouvement estudiantin m’a dit: « PVP Guyzo, tu dois prendre la parole mais n’oublie pas que c’est ta responsabilité qui est engagée », il m’avait fait cette précision, parce qu’il était très proche de moi et il ne voulait pas que je m’enlise.
Alors il fallait que je monte sur une table afin non seulement d’haranguer les amis mais surtout les amener à accepter ma solution, qui secrètement dans mon coeur, était de le faire libérer…
Pendant quelques secondes, j’ai fermé les yeux et j’ai invoqué le Seigneur de me mettre les mots justes sur la langue afin que je réussisse à faire libérer cette Haute personnalité de l’université .
Apres ma courte prière, j’étais monté sur la table, je peux l’avouer aujourd’hui, j’avais ce jour là, prononcer une de mes meilleures harangues.
Non seulement j’avais été sérieusement ovationné par les camarades mais bien plus, tous unanimement avaient décidé qu’il ne fallait faire aucun mal au Secrétaire Général du rectorat.
Alors nous avons invité sur le campus un conducteur de zemidjan afin qu’il fasse sortir du campus le Secrétaire Général du rectorat.
La seule chose qui lui avait été exigée, était qu’il lève les deux points fermés en signe de soutien à notre mouvement de protestation jusqu’à ce qu’il sorte du campus.
Je me souviens encore de ces durs moments du mouvement estudiantin et à ma conscience, je me le répète, ce jour là, il a fallut plus qu’un discours : la prière.
Seul Dieu est maître des temps et des circonstances…
Ne l’oubliez jamais: on est ensemble….
He. Guy MITOKPE
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