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La décision de la Haute Autorité de réduire, de manière substantielle, notre représentation auprès des autres Etats entraîne, depuis un certain temps déjà et de façon soutenue, des réactions de tout bord ; nous avons finalement jugé utile d’y mêler publiquement notre réflexion en notre qualité de citoyen et de diplomate à la retraite ayant eu le privilège d’avoir représenté notre pays à l’étranger.
Que soit cependant tenue d’emblée loin de nous, toute intention de trouver à redire à une décision du Chef de l’Etat. Il faut alors dire sans ambages, que sa Haute Autorité a toute latitude de conduire la diplomatie de son pays comme elle l’entend, au mieux des intérêts de son peuple. La décision qu’elle vient de prendre limitant notre représentation diplomatique à 10 ambassades est, de toute évidence, si radicale que l’on ne peut pas s’empêcher de se convaincre que les raisons qui l’y ont poussé sont autrement plus sérieuses que celles que le citoyen ordinaire peut leur opposer. Il sied de reconnaître, néanmoins, que de mémoire de diplomate, sauf si la mienne me trahit déjà, c’est du jamais vu, une telle réduction tout à la fois si drastique et d’un seul tenant. Raison de plus qui nous autorise à la décrypter.
Le sens profond et les répercussions de la fermeture d’un poste diplomatique
Avant toute réflexion, il sied de circonscrire le débat afin de rester clairvoyant et serein dans sa conduite. La fermeture d’un poste diplomatique dans un pays accréditaire – entendons le pays dans lequel se trouve la mission- n’est pas une rupture des relations diplomatiques avec lui. Le pays qui a pris l’initiative de mettre fin à sa présence physique peut poursuivre ses contacts avec l’autre, dans le cadre d’une accréditation multiple ou par le biais de tout autre moyen approprié, en l’occurrence. La présence physique et permanente n’est donc pas une condition sine qua non pour l’expression de la diplomatie, encore qu’elle est la plus efficace.
Cela étant, il reste qu’à partir de fin juillet, nous n’aurons plus que 10 représentations diplomatiques dans un monde de 194 Etats. Jusqu’alors, nous assurions la présence de notre pays sur l’échiquier international par le truchement d’une trentaine d’ambassades ; notre représentation diplomatique sera donc réduite comme une peau de chagrin.
En raison de son impact sur les relations entre les deux pays, accréditaire et accrédité, fermer un poste diplomatique ne saurait être un simple acte administratif ne reposant que sur des considérations d’ordre intérieur. Toute opération de fermeture d’un poste diplomatique est pénible en raison du fait qu’elle est objectivement un acte de repli et tout acte de repli est négatif dans son essence ; particulièrement en matières de relations à l’échelle internationale. La diplomatie bien comprise a vocation à s’étendre et non pas à se replier une fois qu’elle s’est étendue. Fermer une représentation diplomatique envoie au pays accréditaire, l’image de l’inutilité des relations avec lui et se traduit, de manière discursive, par une baisse du niveau de la coopération entre les deux pays autant dans le cadre bilatéral qu’au niveau des instances internationales. Fermer un poste diplomatique, c’est donner à penser que l’on est en sérieuses difficultés financières à telle enseigne que l’on n’est plus à même d’entretenir sa représentation à l’étranger. La chose est donc frustrante pour les deux parties. Je ne dirai pas humiliante. La fermeture d’un seul poste diplomatique, génère déjà chez l’apporteur de capitaux potentiel, le soupçon d’un pays en difficulté et suffit à réfréner ses intentions d’investissement dans le pays concerné.
Le sens et les répercussions prévisibles de la fermeture de plusieurs postes diplomatiques à la fois
Les deux particularités qui nous paraissent ressortir de la décision de la Haute Autorité de fermer plusieurs postes diplomatiques d’un seul tenant, c’est qu’elle s’est voulue spectaculaire et qu’elle présage de s’inscrire dans le long terme, tout à la fois. Spectaculaire parce qu’elle affecte environ 17 postes tout d’un coup, n’ayant pas manqué d’étonner la communauté internationale qui attend probablement de connaitre la solution de rechange que nous proposerons. Peut-être ouvrirons-nous, le plus sérieusement du monde, la voie à une nouvelle manière de faire la diplomatie moderne compte tenu de l’évolution des temps et des nouvelles technologies de communication, mais aussi des ressources dont dispose chaque pays ; et peut-être ferons-nous des émules ? Et pourquoi pas d’autant que l’on sait que nul n’est prophète en son pays ?
Par contre, la décision du Chef de l’Etat engage la diplomatie de notre pays sur le long terme et s’y inscrit. Le support matériel de cette assertion réside dans le fait que, selon les échos sans fondement, il est vrai, qui nous parviennent, les immeubles abritant les ambassades qui seront fermées seraient en passe d’être vendus ; mais nous nous convainquons du fait qu’il ne saurait en être ainsi. Nous ne saurions dénier au Chef de l’Etat à qui nous avons donné procuration pour gérer nos intérêts, la faculté de mener la diplomatie qui lui parait la meilleure au cours de sa mandature ; et son successeur est, en principe, censé poursuivre ses actions, eu égard au principe de continuité de l’Administration.
La question se pose, néanmoins, lorsque sa décision conditionne sèchement les initiatives de son successeur en hypothéquant les moyens mêmes de la réalisation de ses actions. Vendre les immeubles qui abritent nos ambassades qui seront fermées, serait entraver et ruiner par anticipation et gravement, les initiatives du prochain chef d’Etat ; ce serait sceller le sort de la diplomatie béninoise, dès à présent. Ces biens immobiliers ont été acquis par suite de gros efforts budgétaires à l’issue d’âpres pourparlers entre les Ministère des affaires Etrangères et des Finance. Et il est évident que l’Etat aura grand-peine à en racheter, tant les prix des immeubles ont grimpé et sont devenus prohibitifs. Le lecteur me permettra de dire que je sais ce dont je parle pour avoir participé à certaines négociations avec le Ministère des Finances et avoir acheté un immeuble pour le compte de l’Etat lorsque j’étais en mission à l’étranger.
Le sens et les répercussions prévisibles de la fermeture des représentations diplomatiques auprès des organisations internationales
Décider de retirer et d’un seul trait les représentations auprès des instances internationales, devrait pour être compris par la communauté internationale répondre à une politique bien définie de l’Etat qui l’entreprend, tant la décision s’avèrera lourde de conséquence ; et pour cause. C’est au sein de ces organisations que se décident les politiques de coopération et d’assistance aux Etats membres. Leur contribution à notre développement est si notable et si inévitable que l’on devrait coller à elles. Alors, l’on pourrait se demander légitimement pourquoi ce repli.
La présomption de la seule raison financière
Toute réflexion faite et tout bien pesé, l’on reste à se demander si la décision du chef de l’Etat tient d’une nouvelle façon de faire la diplomatie ou tout simplement de considérations financières nonobstant l’embellie de notre économie. La vision, c’est pour le futur et les esprits éclairés, que le citoyen ordinaire ne peut maitriser tandis que les considérations financières sont à sa portée. Je dois dire que la présomption de la seule raison financière est corroborée par la toute récente mesure du Ministre des Affaires Etrangères visant à réduire par décret 1727/MAEC/SG du 5 mai 2020, le personnel attaché aux chefs de mission. Dans cet ordre d’idées, le questionnement qui me turlupine est le suivant : la fermeture d’un poste diplomatique pour des raisons d’ordre financier ne peut se faire que lorsque l’on a tout essayé pour minimiser les dépenses de fonctionnent ; mais avons-nous tout essayé dans ce sens ? Les références précises me font défaut n’étant plus aux affaires, mais il me souvient comme si c’était d’hier, que sous le régime précédent, un décret avait été pris pour réduire les dépenses en matière de déplacements des ambassadeurs et de leurs familles. Ils ne devraient plus voyager en première classe. Cette disposition a-t-elle jamais été mise en application ?
Du temps où nous étions en poste, nous avions proposé que l’Etat équipe suffisamment les résidences en mobilier pour éviter que les ambassadeurs ne soient amenés à acheter des meubles à titre personnel, dont l’Etat assure à des couts exorbitants, les frais de transport au moment de leur rappel. A-t-on étudié toutes ces possibilités de réduction des dépenses ? Il y avait question que plus d’une épouse ne devrait plus être prise en compte et que l’on devait également limiter le nombre d’enfants que l’Etat prendra en charge au niveau des postes diplomatiques. D’un autre côté, les rappels en consultation étaient devenus fréquents, il faut bien le dire, obérant de fait, le budget des postes diplomatiques. Par ailleurs, le personnel au service de l’Ambassadeur vient d’être réduit. Tout cela n’aurait donc pas suffi pour maintenir nos postes diplomatiques en l’état ? Je me pose la question d’autant que nous ne payons pas de loyer et que nous ne faisons pas de grosses dépenses d’investissement.
Au total
Nous sommes bien obligés de retenir que la fermeture des ambassades s’avère être ni plus ni moins une stratégie pour réduire les dépenses extérieures de l’Etat afin de garantir, à l’intérieur, un mieux-être aux citoyens. Dans une ambassade, les chapitres des dépenses les plus importantes sont généralement la masse salariale et les loyers. Or l’Etat a, de bonne heure, opté pour une politique d’acquisition des immeubles aussi bien pour les chancelleries que pour les résidences. Ce ne sont donc pas les dépenses locatives qui pouvaient justifier la décision du Chef de l’Etat de fermer des postes diplomatiques. Reste la masse salariale des cadres béninois y travaillant. Le problème résulte du différentiel entre les salaires au Benin et la pondération qui leur est faite en poste, par le biais du nécessaire index de correction afin de les ajuster au cout de la vie dans le pays de résidence.
Cette pondération, condition sine qua non de toute ouverture de poste diplomatique, permet aux Ambassadeurs et au personnel de vivre rien que dignement. Toutefois, si la Haute Autorité estimait que le talon d’Achille des ambassades se situe à ce niveau, ne pourrions-nous solliciter qu’une étude soit entreprise en vue de la réduction judicieuse et temporaire du personnel, le temps nécessaire pour rétablir les équilibres financiers dont a besoin le chef de l’Etat, au lieu de fermer des représentations diplomatiques de but en blanc, avec toutes les déconvenues à effets durables qu’entraine une telle opération ? En tout état de cause, nous l’adjurons de ne pas faire mettre en vente les immeubles abritant les représentations diplomatiques qui seront fermées, d’autant que leur seule location pourra suffire à maintenir en fonction certaines de nos ambassades en plus des 10 retenues. C’est notre conviction profonde.
Qu’il me soit permis, au terme de ma réflexion, de rendre hommage de ma sincère admiration aux collègues Ambassadeurs et Ministres Plénipotentiaires à la retraite qui, bien que n’étant plus aux affaires, ont contribué de manière, on ne peut plus citoyenne, sur leur forum, à ce débat afférent à la réduction des postes diplomatiques. Ce faisant, ils ont démontré, une fois encore, tout l’intérêt qu’ils portent à la gestion de la chose publique. Puissent, alors, les autorités compétentes prêter l’oreille à leurs diverses préoccupations et doléances déjà en leurs mains ; il en ira de la justice tout simplement.
Candide AHOUANSOU
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